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  1. THREE BILLBOARDS: LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE

    15 mai 2018 par Jacques

     

    Drame de Martin McDonagh

    Avec Frances Mc Dormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell…

     

    Tout crime atroce commis dans une bourgade, faute d’être résolu a vocation à s’effacer de la mémoire collective comme la tâche incongrue sur une robe de printemps. Or Mildred Hayes refuse ce retour à la quiétude du Comté de Ebbing dans le Missouri. Cinq mois plus tôt, au retour d’une soirée, sa fille Anita a été violée et assassinée aux abords d’une route de campagne mais l’enquête s’est enlisée faute de pistes. Comment réveiller alors l’activité policière sous l’éteignoir? Mildred repère trois panneaux géants d’affichage délabrés le long d’une voie désertée par la construction d’une autoroute, qu’elle s’empresse de louer chez le publicitaire implanté… en face du bureau du shérif. Imprimés sur fond rouge, les messages sanglants de la colère maternelle « violée pendant son agonie », « toujours pas d’arrestation », « pourquoi shérif Willoughby » visent à pousser les policiers dans leur dernier retranchement.

    Cet affichage cru d’une douleur réclamant justice provoque l’hostilité générale, que revendiquent son coiffeur, aussitôt piqué au vif, le curé vertement éconduit par Mildred (vous êtes coupable même si vous lisez votre bible pendant qu’un autre se tape un enfant de cœur car vous n’êtes pas trop regardant sur le monsieur!) et même son propre fils indigné par la morbidité du message et lassé des brimades au collège. Avec pour unique soutien, un nain amoureux d’elle, l’héroïne s’obstine quand bien même le shérif, estimé de tous apparait en fin de vie (on va tous crever!). On l’aura compris, Mildred possède une panoplie de répliques au vitriol et la férocité de celles qui n’ont plus rien à perdre, mari compris, envolé avec une jeune « bimbo ». Elle répondra par la loi du talion à l’incendie de ses panneaux aussitôt remplacés.

    Car la violence va s’introduire dans la confrontation, sous la férule de Dixon, un policier frustre, abruti et explosif, adepte d’une justice sauvage. L’homme qui vit chez une maman alcoolique et pousse au crime, prend pour cible les noirs (je tabasse les gens de couleurs pas les nègres) et les homosexuels. Sa dangerosité laisse pantois mais son crétinisme suscite l’hilarité  (Mildred: c’est pas l’heure de rentrer chez maman chérie? Dixon: non j’lui ai dit que j’allais sortir jusqu’à minuit! Mildred: ptite merde; Dixon: on traite pas un flic sur son lieu de travail!). La noirceur des antagonismes apparentée au climat cinématographique  des frères Coen (Fargo où brillait déjà l’étoile Mc Dormand) se métamorphose sous l’influence des lettres posthumes du shérif, touchantes, humanistes et ciblées pour peser sur la conscience des acteurs centraux du drame. Humilié puis gravement blessé, Dixon  se convertit  soudainement en  flic décidé à confondre l’assassin.  Un couple de justiciers se forme alors entre deux écorchés vifs, Mildred et Dixon, défiant toute logique, puissante invitation à la révision de nos jugements de spectateurs.

    Le succès du film de Martin McDonagh Three Billboards  s’appuie sur un triptyque remarquable, faux polar décrivant une humanité plus complexe qu’il n’y parait, puissance des dialogues toujours percutants et provocants, interprétation magnifique de Frances Mc Dormand (Mildred), expressive et hautaine jusqu’au mutisme et fragilisée par les seules palpitations de sa culpabilité, de Sam Rockwell (Dixon), être brutal et touchant dès qu’il s’affranchit de sa colère, de Woody Harrelson (Willoughby) flic intègre et perspicace jusque dans l’outre-tombe. A la manière d’un roman de Faulkner, le scénario fouille les tréfonds d’une Amérique rurale, rétrograde et raciste où l’état de droit est souvent bafoué tandis que l’opportuniste télévision provinciale offre sa caisse de résonance malsaine aux tensions locales. Mais la bienveillance fait aussi son apparition comme un pied de nez aux stéréotypes. Enrichi d’une bande musicale irréprochable, le film invite à croire à la possibilité d’une rédemption  pour les rebelles que la vie a durement cabossé.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


  2. The Walk, rêver plus haut

    30 décembre 2015 par Jacques

    Réalisé par Robert Zemeckis

     Avec Joseph Gordon-Levitt, Ben Kingsley, Charlotte le Bon…

    Animés de l’esprit novateur et conquérant d’Icare, d’authentiques héros ont cherché à vaincre les lois naturelles comme la pesanteur.  On ne confondra pas ces artistes célestes avec l’invétéré écervelé qui joue sa vie à la roulette russe un soir de défi entre copains en mal d’émotions fortes. Le sport à risques ne souffre d’aucune improvisation fantaisiste. Héritier des danseurs de corde du Moyen Age, le funambule a déserté aujourd’hui l’espace public entravé  par des normes de sécurité insurmontables et ne se produit plus que dans les cirques. L’exploit universel dés lors ne peut s’apparenter qu’à un sensationnel  détournement. A l’issu d’un parcours semé de chausses trappes,  un jeune funambule français  parvint à tendre clandestinement un câble à plus de 410 m du sol entre les deux tours jumelles du World Trade Center  le 7 Août 1974 et à arpenter le ciel New New-yorkais pendant près d’une heure.  Les étapes de cette splendide prouesse forment la matière du dernier film de Robert Zemeckis  The Walk, rêver plus haut.

    the walk ensemble

    Jongleur,  acrobate et funambule autodidacte,  Philippe Petit ( Robert Gordon Lewitt) veut conquérir le pavé parisien. En saltimbanque des rues tout de noir vêtu, en magicien coiffé d’un haut de forme, il trace à la craie un cercle parfait, l’espace sacré d’exercice de son art, inviolable par le spectateur profane mais il est chassé par la maréchaussée aussitôt qu’il s’engage sur une corde tendue entre deux platanes. Ailleurs, son spectacle est dénaturé, ridiculisé même par la concurrence sous ses pieds d’un saugrenu concours de pêche en étang! Cette première partie du film trouve le ton de l’espièglerie, dessinant en noir et blanc un Paris magique avec ses spectacles de rue, ses baladins, ses chanteurs. Pour s’imposer et marquer les esprits de son empreinte, notre artiste boudé par les autorités et le monde du spectacle doit donc prendre de la hauteur. C’est entre les deux tours de Notre Dame qu’il tendra sans autorisation son fil une nuit de Juin 1971 avec l’aide de son amie Annie Plix (Charlotte Le Bon), chanteuse de rue contestataire. Au matin, le public massé sur le parvis pourra alors saluer chapeau bas les exploits de cet étrange oiseau noir qui avance pas à pas, s’assied sur le fil, se redresse,  jongle avec des quilles puis s’allonge, se relève enfin pour saluer une foule compacte médusée quatre vingt mètres plus bas. A l’issu de ce spectacle hors norme mais peu salué par la France Pompidolienne, il est appréhendé par la Préfecture de Police.

    the walk le couplee

    Alors, toujours plus haut, toujours plus seul, toujours plus spectaculaire au yeux du monde qu’il faut frapper d’incrédulité, c’est désormais entre les tours les plus hautes de la planète fraîchement inaugurées que l’équilibriste hors norme veut poser son fil. La seconde partie du film s’apparente à la préparation enjouée d’un audacieux fric frac digne d’une excellente comédie policière. Papa Roudy ( Ben Kingsley) funambule expérimenté d’un grand cirque parisien à la fois roublard et perspicace a enseigné à son poulain l’art de la fixation des câbles haubanés par des « cavalettis » qui limitent l’effet de tangage. En repérage au pied des tours, notre voltigeur du ciel mesure l’étendue extraordinaire de son défi face à ces monstres d’acier de béton et de verre. Le suspense va grandissant à mesure du franchissement des étapes des préparatifs, le recrutement d’une équipe fiable,  les calculs géométriques, le transport du matériel à pied d’œuvre, au cent septième étage technique, à l’aide de déguisements d’ouvriers, de techniciens ou d’architecte. Au cœur de l’ultime nuit, la patrouille des vigiles peut encore faire capoter la manœuvre complexe et périlleu