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The immigrant

9 janvier 2014 par Jacques

Réalisé par James Gray

Avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner…

Petit fils Fils d’immigré Russe, James Gray consacre son dernier long métrage à la représentation de l’immigration européenne aux États-Unis, un thème à la fois constitutif de sa propre identité et au fondement de la civilisation américaine. Et le constat politique est sévère: le mythe d’une Amérique accueillante et éclairant le monde de ses valeurs est mis en pièces, le parcours sombre d’une jeune immigrante révèle une société désolidarisée où la corruption règne en maître au détriment des plus faibles, où l’argent roi est indispensable pour acheter sa liberté, l’argent gagné par tous les moyens, ou volé par la soubrette comme le policier véreux et raciste, tabassant un «sale youpin». En somme, la statue de la liberté qui trône à l’embouchure de l’Hudson (sous la brume) ne serait que le faux nez d’un pays livré au non droit, à la compromission et au règne du chacun pour soi…

Deux sœurs orphelines et fusionnelles, Ewa et Magda fuyant la Pologne et ses pogroms débarquent à New York en 1921 parmi des milliers d’immigrants regroupés tel… un cheptel à la sélection. L’arrivée sur la terre promise apparaît semée d’embûches: Magda réputée malade est mise en quarantaine dans une cellule d’Ellis Island et sa sœur menacée d’expulsion faute d’une adresse d’accueil crédible. Familier de ce terminal portuaire regorgeant de néophytes misérables et sans défense. Bruno (Joaquin Phoenix) un prédateur, repère pour les besoins de son commerce, une beauté isolée et fragilisée après avoir monnayé le scénario noir. Il emmène Ewa (Marion Cotillard) dans un cabaret offrant en attraction des saynètes de filles dénudées, une atteinte aux bonnes mœurs tolérée dans un contexte de prohibition, avec la complaisance des principaux clients, bourgeois égrillards et débauchés.

the immigrant

Malmenée dans le cargo en proie à la promiscuité et piégée à terre, Ewa renonce à défendre sa chasteté condamnée à réunir une grosse somme d’argent pour libérer sa sœur, son idée fixe, sacerdotale. Le magicien Orlando (Jeremy Renner) qui n’a d’yeux que pour la jeune femme, lui offre une planche de salut inaccessible, la lointaine Californie. Une proposition témoignant d’un amour sincère ou d’une envie de contrecarrer les desseins de Bruno, son cousin, rival artistique et en séduction.

Mais aussi funeste soit le destin, il n’est jamais entièrement désespéré: la femme pécheresse au visage de Madone parle la langue, signe d’une volonté d’intégration et refuse de capituler même en découvrant la dissolution des liens du sang avec les compatriotes parvenus. Tenir à autrui plus qu’à soi permet-il d’être sauvée, d’offrir la rédemption à la sortie de ce drame du début du vingtième siècle? Le volontarisme individuel triomphant de l’arbitraire est l’autre versant du mythe américain. James Gray rend hommage au réalisme social d’un Fellini, la séquence du pugilat jusqu’à la sortie de prison rappelle directement l’antagonisme du fou et de l’hercule de foire du film la strada, et Bruno au visage anéanti par l’aveu de sa culpabilité égale en intensité le masque de Zampano, dans la magistrale scène finale révélant un monstre éprouvé par un sentiment d’humanité. Invitée sur scène à exprimer son rêve d’Amérique, Ewa essuie un tombereau d’injures: c’est la plus chaude…, un dollar en levrette…, viens t’asseoir sur mon phare, liberté…, «rôle» qu’elle personnifie en tenant une lampe de mineur! Dans le droit fil des récits de Dickens ou Zola, le cinéaste développe la parabole d’une violente gestation, celle d’une petite polonaise angélique et vaillante qui traînée dans la boue, se relève intacte dans sa foi et ses valeurs, donnant la leçon à son diabolique mentor et finalement à sa terre d’asile.

 

 

 

 


2 Comments »

  1. Bzx dit :

    Dur, dur comme histoire à vivre pour Éva qui se sacrifie pour sa sœur et pour le spectateur qui ne doit pas rester insensible à cette histoire.

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