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‘Policier’ Category

  1. Pas de printemps pour Marnie

    novembre 16, 2013 by Jacques

    Réalisé par Alfred Hitchcock 

    Avec Tippi Hedren, Sean Connery, Diane Baker…

    Aucun cinéaste n’a su mieux qu’Alfred Hitchcock concevoir un film comme une projection onirique (la maison du Docteur Edwardes), filmé les travers psychiques (Psychose), le désir ou la peur (les oiseaux). L’art cinématographique est le résultat d’un processus au terme duquel le comportement physique des personnages à l’écran doit suggérer aussi un univers mental permettant au spectateur à travers les émotions ainsi incarnées de s’identifier au récit. C’est dans le film sorti en 1964, «pas de printemps pour Marnie» que l’analyse des manifestations de la psyché va trouver son meilleur terrain d’expression. La séquence introductive d’emblée, s’apparente à la projection d’un véritable rêve, un pur fantasme: sur un quai de gare silencieux et étrangement déserté, une femme de dos, chevelure d’ébène, drapée d’élégance dans un tailleur gris, portant valise et sac jaune, couleur de la trahison, serré contre l’aisselle, s’éloigne comme une apparition chimérique s’il n’y avait surmontant les talons aiguilles, la chair vivante de ses mollets.

    pas de printemps marnie

    Sitôt l’employeur dépouillé de sa trésorerie, l’héroïne change d’identité, d’apparence et de rôle en vue d’un nouveau larcin. En chevauchant sa jument Forio, la créature devenue blonde se libère d’une parenthèse de bonheur complice, avant de rendre visite au domicile maternel dans une ruelle dominée par la présence à quai, d’un sombre, pesant et emblématique cargo. Jessie, la petite voisine qui lui ouvre la porte a visiblement supplanté son aînée et en profite sournoisement. Appuyée sur une canne, la mise en pli forcée, la maman reçoit Marnie sa fille, avec une morne gouaille, dénigrant la coiffure ou le panier percé et le cadeau, une cravate en vison, ne parvient pas à établir une légitime connivence. Marnie qui se sent mal aimée essaie courageusement de comprendre les raisons du blocage affectif, mais une gifle clôt la discussion, la renvoyant à l’enfance, à son traumatisme, au secret familial enfoui.

    marnie au lit

    Marc Rutland qui a deviné l’employée indélicate d’un de ses fournisseurs, favorise toutefois son recrutement au sein de la maison d’édition dont il est copropriétaire, intrigué par l’élégance stricte et le charme sobre nimbés de propos si parfaitement affabulateurs. Au travail, Marnie a l’attention rivée sur le grand coffre fort vert du bureau directorial, son tapis de chance et la découverte de la combinaison appelée à satisfaire un irréfragable désir de s’adjuger une opulente liasse de billets de banque. A l’occasion d’un travail de secrétariat un samedi après-midi, son allure racée autant que ses répliques ironiques impressionnent Marc: ce trentenaire viril et veuf, passionné de zoologie testerait-il sa capacité de séduction sur l’impassible beauté à l’aspect virginal dans ses vêtements blancs! Un orage violent incendie le ciel et Marnie, tétanisée révèle alors le visage de la peur incontrôlée et paralysante, une fragilité soudaine qui la rend plus mystérieuse encore et plus attirante. Définitivement conquis, Marc invite la jeune femme à sa passion, le champ de course, écartant en protecteur un inopportun qui croit avoir reconnu Peggy Nicholson, et la visite surprise de la propriété familiale à l’heure du thé parachève le déploiement de la panoplie amoureuse.

    pas de printemps cheval 2

    La séquence du fric frac dans l’immeuble Rutland déserté manipule le spectateur en calibrant un suspense tout entier favorable à l’héroïne : la femme de ménage arrivée à l’étage, poussant la serpillière, va-t-elle surprendre la voleuse qui s’échappe discrètement du bureau, le sac à main bourré de coupures, ses hauts talons en poche dont l’un s’échappe d’avantage à chaque pas, pour tomber sur le carrelage, rompant l’ oppressant silence d’un grand bruit, sauf pour la dame heureusement âgée et sourde! La promenade à cheval rituelle d’après larcin est cette fois écourtée par Marc en personne, furieux d’avoir ainsi perdu la face, une sensation inconcevable pour ce dominant doté d’un flair exceptionnel, qui a fait diligence pour retrouver la fugitive, à partir de maigres indices dans le tissu des mensonges. Et le profil particulièrement complexe de la proie éveille chez le chasseur l’instinct d’apprivoisement: Marnie est bel et bien contrainte au mariage pour éviter la prison.

    pas de printemps viol

    Dans la soirée qui suit les noces sur un bateau de croisière, Marnie qui avait prévenu de sa différence, n’accepte pas d’être touchée. Son attitude virginale n’est pas feinte, l’élégance vestimentaire jusqu’à la robe de nuit fermée au cou est une protection contre l’atteinte sexuelle. Un soir, lassé d’être tenu à distance du lit conjugal, Marc accule son épouse à l’étreinte qu’elle subit dans un état cataleptique. Au petit matin, cet affront dégradant, insupportable, manque de peu d’être effacé à jamais mais Marnie est sauvée de la noyade. La chasteté devient la règle de conduite forcée du couple et la vie conjugale, un étau qui se resserre obligeant Marc à parer au danger d’une dénonciation par un client grugé, et à s’ériger en thérapeute. Réveillée par un cauchemar récurrent, la jeune femme accepte crânement de se livrer à un exercice de libre association, aiguille, épingle, eau, bain savon et Marc, peu ému par le ton cassant auto-protecteur (occupe toi de ta santé mentale) triomphe de l’aplomb factice car les mots sexe, rouge, suscitent la perte panique du contrôle de soi.

    marnie rouge

    Participant à une chasse à cour, Marnie sera une nouvelle fois victime des effets de sa névrose. Terrifiée par la mise à mort du renard, la couleur rouge sang des redingotes, elle s’enfuit, emballant sa jument qui se brise les pattes avant en franchissant un haut muret. La cavalière s’empare d’un pistolet, abat l’animal, et dans un état second, schizophrénique, veut fuir la situation en dévalisant le coffre des Rutland, mais sans pouvoir cette fois, se saisir des billets, paralysée par l’inhibition des facteurs déclenchant, la haine des hommes et la peur du manque! Au domicile de la mère de Marnie, prétendue morte, la confrontation avec Marc tourne à l’affrontement si violemment que Marnie, blottie au pied de l’escalier, de sa voix d’enfant de cinq ans, dans un état quasiment hallucinatoire, revit cette nuit d’orage occultée du meurtre d’un jeune marin. Catharsis rédemptrice, libérée de son traumatisme d’enfant, de sa posture de chasteté destinée inconsciemment à capter un amour maternel refoulé, Marnie peut espérer écarter le risque de poursuites judiciaires avec l’aide de son époux. Tandis que leur voiture démarre, sous les regards fixes d’un groupe d’enfants interrompant leur jeu, sur fond d’équipements portuaires, une sourde menace semble encore planer!

    pas de printemps escalier

    Pas de printemps pour Marnie a pris place dans l’histoire du cinéma comme un film majeur d’intrigue psychologique, une aventure au cœur de la psychanalyse ayant pour sujet la névrose d’une jeune femme cleptomane et sa difficile guérison, l’idée fixe du mari. Mais à considérer la multiplication des plans sublimant la blonde Marnie, associant coiffures et robes splendides, l’image néfaste et étouffante de la mère soulignée aussi dans psychose, celles particulièrement dérangeantes de la petite Jessie, ou des enfants chantant une comptine à la fin du scénario, on peut légitimement s’interroger aussi sur les obsessions propres au maître du suspense, ses désirs, son animosité, son intolérance… De Tippi Hedren la nouvelle Grace Kelly qui refusa ses avances, il brisa la carrière sur laquelle il détenait contractuellement les droits exclusifs. Les métiers du regard peuvent engendrer parfois, des formes d’aliénation…

    pas de printemps hitchcock

     

     

     

     

     


  2. The place behond the pines

    mars 29, 2013 by Jacques

    Réalisé par Derek Cianfrance

    Avec: Ryan Gosling, Bradley Cooper, Eva Mendes …

    A mesure que le cascadeur approche du lieu de sa performance hors norme, l’apparence taillée au monde des forains, des signes cabalistiques autour du cou et un poignard sur la pommette gauche, gage d’une force nouvelle issue d’un rituel de renaissance,  la tension musicale s’accroît avec la même intensité à l’approche du ring, développée dans the Wrestler,  par Darren Aronofsky. Impavide avant l’exploit, Luke (Ryan Gosling) lance sa moto, sa marque de fabrique, dans une boule de fer grillagée où vont tournoyer en tous sens deux autres bécanes, chaque pilote accélérant la vitesse de ses arabesques jusqu’au vertige du spectateur. C’est le clou de la fête foraine, le spectacle de tous les dangers.

    Or, Luke qui en Ville a renoué avec  une petite amie de passage, Romina (Eva Mendes)  lui  découvre un petit garçon d’un an dont il est le père, et qu’il veut assumer, prêt à changer radicalement de vie en caressant le rêve d’une tendre paternité qu’il n’a pas connu. Mais la jeune femme rangée, au côté d’un compagnon socialement intégré, ne veut plus de ce père au corps revêtu de stigmates hors du commun et d’un maillot de corps troué,  qui fascine, inquiète et laisse incrédule.  Luke trouve alors refuge auprès d’un mécanicien à l’âme cabossée qui devient son complice dans des braquages de banques, puisant dans les tiroirs caisses de quoi nourrir, indifférent aux risques, son idéal de paternité.

    Bientôt, le temps se gâte entre le père nourricier et le père putatif ignorant des codes sociaux, puis entre les comparses quand le plus rusé veut décrocher à temps, Luke demeurant prisonnier de son identité addictive, comme le Driver de Nicolas Winding Refn, nourrit à l’adrénaline et surestimant sa capacité de fuir les lieux de pillage grâce à sa science du volant.

    Car un braquage qui s’éternise, un démarrage entravé de la motocyclette, et un jeune flic tenace, plus chanceux que d’autres met fin à la cavale du jeune voleur.

    the place behond bradley

    Une porte qui s’ouvre, un destin qui bascule et la narration change brusquement de camp, pour se focaliser  sur le portrait du flic héroïque, Avery Cross (Bradley Cooper), calculateur pétri d’ambition, tétanisé par l’aura de la position paternelle, juge à la Cour Suprême. La dénonciation d’un réseau de corruption interne à la Police, vaste entreprise toujours inscrite sur le fil du rasoir, consolide son auréole vertueuse et lui ouvre les portes d’une candidature au poste de Procureur de l’État.

    Nouvelle projection, 15 ans plus tard, mettant en scène les propres fils du criminel à la figure noircie mais héroïque et virtuose, et du policier carriériste, aveugle aux siens,  à la blancheur rongée par la culpabilité. Les deux lycéens, en prise avec un même démon,  les carences de la figure paternelle et le déracinement affectif  dévorant jusqu’à l’auto-destruction, s’entre-déchirent.

    the place behond fils

    The place behond the pines révèle les méfaits du conditionnement lié aux failles de la transmission paternelle dans le huis clos des lieux de vie, villa prestigieuse, pavillon modeste ou caravane désolée. Les acteurs de ce drame, prisonniers de leur solitude dérivent jusqu’au paroxysme du danger dans une cité cernée de pinèdes étouffantes. La folie menace à tous les étages de la hiérarchie sociale compromettant la possibilité de se faire une place au soleil. Cianfrance dépeint aussi les arcanes de la corruption au sein de l’institution policière combattue par le levier politicien, seul capable  d’établir un rapport de force salvateur.

     

     


  3. Mains armées

    juillet 19, 2012 by Jacques

    Réalisé par Pierre Jolivet
    Avec Roschdy Zem, Leïla Bekhti, Adrien Jolivet, Nicolas Bridet, Marc Lavoine…

    Jeune policière à la brigade parisienne des stupéfiants, Maya se débat dans ses contradictions. Elle a embrassé une profession de l’ordre tout en prélevant sa dime sur le butin des dealers, sous la coupe d’un chef de service véreux et prévaricateur. Elle s’est identifiée au parcours de commissaire de police d’un père pourtant honni qui l’a renié à sa naissance. Elle porte en elle une sourde violence qui éclate à l’entrainement de tir sur cibles. Flanquée d’une mère évanescente, privée de repères masculin et féminin, sans véritables liens affectifs, elle se cuirasse toute seule dans le déni de sa fragilité. Un rail de coke et elle se fond dans la cohorte nocturne des patineurs de rue, dans l’oubli de soi.

    A Marseille, entre planques et filatures, le commissaire Lucas suit la trace d’un stock d’armes volé à l’OTAN par la mafia Serbe. C’est un spécialiste reconnu, intransigeant, secret et sans attaches familiales. La piste criminelle conduit vers la capitale.

    Trafiquants d’armes et de stupéfiants étant de mèche, le père et la fille vont se croiser. Maya retrouve la piste des yougoslaves, seule, par défi, pour supplanter le père dans un combat enfin digne et qui la libère de l’emprise perverse et sans issue de son commandant de brigade, sorte de père de substitution. La chasse obstinée de Lucas changera de nature quand sa propre fille apparaitra en grand danger, une fois assumée une difficile conversion, le passage du déni à la reconnaissance de paternité.

    Sur fond de traque très réaliste de grands trafiquants internationaux dans le dédale des entrepôts de la métropole, Mains armées dénoue aux forceps une dramaturgie identitaire et construit dans l’urgence un lien de filiation salvateur entre père et fille aux existences jusque là séparées et lacunaires.