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‘western’ Category

  1. The Salvation

    octobre 25, 2014 by Jacques

    Film de Kristian Levring

    Avec Mads Mikkelsen, Eva Green, Jeffrey Dean Morgan, Eric Cantona…

    Le western  au cinéma apparaît depuis l’âge d’or des années cinquante comme un genre si exploité et si codé qu’il est bien rare d’en découvrir une nouvelle facette sur nos écrans. Mais sa résurgence ravivant les grandes thématiques, la quête vengeresse (True Grit), les déboires du pionnier (The Homesman), la violence intrinsèque (Django  Unchained), l’exaltation des grands espaces incertains (La dernière piste) comble toujours les amateurs du genre. L’épopée pionnière possède aussi des racines européennes que le Danois Kristian Levring dans The Salvation, explore à son tour sans coups d’éclat mais avec fidélité à la liturgie.

    the salvation mads

    Jon (Mads Mikkelsen) qui a émigré avec son frère en Amérique  après la guerre des Duchés perdue par  le Danemark retrouve avec bonheur femme et enfant à la gare mais le voyage en diligence de la famille reconstituée tourne au drame, deux bandits quo-voiturés se montrant arrogants puis menaçants. Jon tente de calmer le jeux mais perd trés vite le contrôle de la situation, en honnête homme entravé brutalement dans sa mission essentielle de protection des siens.  Sa poursuite à pied de la diligence infernale dans le silence nocturne de la plaine revêt des accents fantasmagoriques évoquant l’ambiance cauchemardeuse de la nuit du chasseur. Mais l’homme qui n’est pas un fermier lambda, rejoint puis abat les assassins de son fils et de sa femme, Il est désormais traqué par Delarue, un chef de bande qui terrorise la ville et rachète à vil prix des terres gorgées d’huile noire pour le compte d’une compagnie. Le gibier toutefois, quant le frère est massacré à son tour, se transforme en redoutable chasseur seul ou presque face à un gang, mais solidement armé de sa cuirasse d’ancien militaire.

    the salvation eva

    Avec pour vrai atout la qualité esthétique de sa photo, The Salvation revisite les archétypes du western, sa ville en gestation apeurée soumise et lâche, son capitalisme naissant symbolisé par la prédation foncière et l’alliance des truands et des hommes d’affaires dans un État de non droit, sa violence aveugle et sa loi du plus fort, du mieux armé. La ville est mise en coupe réglée par la terreur des meurtres d’otages, métaphore d’une forme absolue et intemporelle d’asservissement. Première victime de cette société délétère, le fermier sauf à résister à l’oppression.  Démarche toujours solitaire qui engendre le héros et rétablit l’équilibre entre le bien et le mal. Mads Mikkelsen incarne ce brave, minéral à souhait dans le rôle de l’agneau muté en loup; A ses côtés,  Eva Green, une indienne à la bouche meurtrie, captive aux yeux troubles nimbe la pellicule de sa parfaite sensualité. Parmi les malfrats pointe la silhouette taciturne d’Eric Cantona.

     

     

     


  2. The homesman

    mai 24, 2014 by Jacques

    Réalisé par Tommy Lee  Jones

    Avec Tommy Lee Jones, Hilary Swank, John Lithgow, Grace Gummer, Meryl Streep…

    Les vastes plaines du Nebraska écrasées sous le blizzard en hiver et la canicule en été n’ont pas tenu les promesses du rêve américain pour les pionniers qui s’emparent d’une terre à exploiter au milieu du XIX siècle, dotée d’une simple cabane en terre crue faute de forêts ou de bosquets, d’un maigre bétail victime des épidémies, de récoltes souvent ravagées provoquant d’épouvantables famines. Le colon venu souvent seul défricher son lopin de terre n’a alors qu’une obsession,  trouver en ville une femme à épouser pour la ramener dans cet enfer de précarité en lui faisant miroiter une concession juteuse, l’engrosser pour avoir une marmaille autour de soi, précocement mise au travail du champ ou du logis selon le sexe. Les visites d’un pasteur itinérant qui s’efforce de consoler ses ouailles de leurs plaies et de faire lien entre les colons au temple, n’ont pas empêché trois femmes de fermiers, issues de régions plus hospitalières, parfois depuis le Nord de l’Europe, anéanties par les conditions de  vie  frustres, de sombrer peu à peu dans la névrose ou l’autisme, des pathologies aux effets pervers, auto-mutilations purificatrices, hystérie agressive ou infanticide du nourrisson… La petite colonie décide lors d’un office de confier ces malades à un asile d’aliénés à l’Ouest, aux confins du fleuve Missouri, en Iowa.

    the homesman hilary

    The homesman, le « rapatrieur » relate la longue et dangereuse aventure du convoyage de ces malheureuses sous la conduite de Mary Bee Cuddy (Hilary Swank), une jeune pionnière ancienne institutrice aussi rude à la tâche que raffinée culturellement mais dont la nature dénote dans un milieu mal dégrossi, singulière dans sa communauté, qui se désespère dans l’isolement de son célibat mais attentive aux autres en raison même d’une grande piété. Moyennant la promesse d’une importante rétribution, Mary s’adjuge l’assistance d’un boucanier de l’ouest américain  Georges Briggs (Tommy Lee Jones) qu’elle délivre d’une pendaison. Le sexagénaire intriguant puni d’avoir fait main basse sur la propriété d’autrui s’engage à tenir les rennes de ce saugrenu attelage sanitaire et le fusil si nécessaire;  De toute façon, à qui d’autre se fier dans un univers aussi vaste marqué par des confrontations encore primitives entre les humains!

    the homesman bataille

    Traversé de quelques séquences cocasses à la manière des frères Coen, le récit de Jones se veut comme une mise en abîme du mythe de la frontière de l’ouest américain, construit sur un déni d’humanité au nom de l’idéal masculin de domination des terres, un combat que Mary l’incomprise au cœur pur partage, déséquilibrée par son obsession de vaincre un célibat illégitime. Mais sur le terreau du sacrifice de ces défricheurs, une nouvelle Amérique émerge.  There will bee blood l’avait déjà montré, les églises préparent les esprits et le monde des affaires pourra prospérer, porte drapeau d’un nouveau mythe, le progrès.  Ici, une ville nouvelle va s’édifier en plein désert source de bonus confortables pour les futurs investisseurs. Exclu de ce paysage urbain en gestation, Briggs, la canaille, au total moins égoïste que bien des nantis fera parler le feu justicier de Sodome et Gomorrhe.

    the homesman incendie

     

     


  3. Le train siffera trois fois

    novembre 3, 2012 by Jacques

    Réalisé en 1952 par Fred Zinnemann
    Avec
    Gary Cooper, Grace Kelly, Katy Jurado, Thomas Mitchell, Lloyd Bridges

    Avec ses grands espaces traversés par des convois de colons sous la menace des attaques de peaux rouges et la protection des tuniques bleues, ses troupeaux de buffles ou de bisons, peuplant la vaste prairie, ses cow-boys à cheval et, reliées par la chevauchée des diligences ou saluées par le sifflement du cheval vapeur, des villes en gestation entre les rocheuses, aux prises dès que se polarisent les fonctions urbaines porteuses d’enjeux incarnées par le temple, le saloon, la banque ou la boutique, à des conflits opposant l’ordre au désordre, l’équité ou l’avidité, tranchés dans les rues poussiéreuses, battues par le vent du désert charriant les buissons desséchés, par l’ordalie toujours renouvelée du duel au revolver, le western s’est imposé au cinéma comme l’emblème d’une Amérique qui se fonde dans un théâtre où triomphent les valeurs individuelles.

    En épousant Emma Fuller (Grace Kelly) une apôtre de la non violence, William Kane (Gary Cooper) troque l’insigne de chérif pour un avenir de commerçant quaker. Perspective de bonheur aussitôt rebattue: le télégraphiste de la gare annonce par le train de midi, le retour au pays de Franck Miller, un psychopathe sorti de prison flanqué d’une bande de tueurs, venu se venger de son arrestation et refaire main basse sur la ville.

    A l’inverse du juge qui fuit avec sa malle pleine des instruments d’une justice encore balbutiante, Kane décide de faire front mais la milice privée lui fait défaut, tétanisée par le danger et sa jeune épouse, heurtée de plein fouet dans son idéalisme pacifiste, le quitte. «Si toi aussi tu m’abandonnes, il ne me restera plus rien» sinon à vivre douloureusement le court laps de temps qui sépare du retour des forces diaboliques. La ville, libérée jusque là de ses démons et quadrillée dans son filet de protection par les pérégrinations scrupuleuses du représentant de l’ordre, devient alors une prison pour lui, quand toutes les portes se ferment, celles du temple comprises, réfugié dans sa prudente neutralité.

    La ville de l’ouest est un espace social sans véritable solidarité et son destin oscille entre droiture et luxure, deux manières opposées de prospérer. Mais, dans la tradition du western, l’amour est une force salvatrice, la tenancière du bar le plus recherché, qui fut l’amie de Kane, Hélène Ramirez (Katy Jurado), la femme en noir, quitte une ville en perdition non sans ébranler le dogmatisme de sa rivale, la femme en blanc, passage de témoin entre l’âpre expérience de la brutalité de l’époque et l’innocence rudoyée par elle.

    Le courage du chérif est bousculé par une réalité de plus en plus menaçante, à mesure que s’égrainent les minutes, mais à midi, quand le train siffle trois fois, le héros pour vaincre se pare des armes de la ruse, une valeur héritée de la mythologie antique à l’origine de la stratégie du faible au fort, guerrier d’Horace contre les Curiaces. Il faut dire qu’Emma est venue à temps lui prêter main forte, cimentant dans l’adversité l’union du couple, seul pilier tangible dans la société américaine de la conquête de l’ouest.

    Le train sifflera trois fois fait l’éloge du couple américain, l’axe majeur d’une idéologie de la réussite et instaure la typologie du héros fragilisé par la défection généralisée de son entourage. Au final, William et Emma Kane qui sont les rescapés victorieux d’une double condamnation, celle des tueurs et celle de leurs concitoyens disparaissent, en laissant la cité à son examen de conscience. La ballade romantique et dépouillée de John William qui accompagne le film a contribué à sa légende.