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‘Comédie’ Category

  1. Les combattants

    septembre 1, 2014 by Jacques

    Réalisé par Thomas Cailley

    Avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs, Brigitte Roüan, Antoine Laurent…

    L’attirance peut naître parfois d’une rencontre avortée.  Lors d’un combat rapproché sur la plage sous l’égide de l’Armée de terre, le frêle Arnaud (Kevin Azaïs) apprenti menuisier subit la loi de Madeleine  (Adèle Haenel) le corps idéalement sculpté par une pratique sportive intensive,  nage sous marine, ou judo.  Nantie d’un Master en « économie du futur », la jeune femme n’a qu’une obsession, se préparer aux risques d’une catastrophe naturelle ou d’un accident nucléaire et développer son aptitude à la survie par exemple en avalant pour s’endurcir, une bouillie de poisson cru ou en décapsulant une canette à la dent, avant d’intégrer bientôt un régiment d’élite. Lui n’est guère pressé  de s’impliquer dans la menuiserie familiale selon le vœu  de la mère, veuve depuis peu, ou du frère aîné,  de devenir déjà un acteur à part entière d’une vie professionnelle toute traçée: son centre d’intérêt est d’une autre nature. Dans le milieu de la camaraderie estivale, dominé par l’insouciance, Madeleine surprend le jeune homme par sa solidité, son indépendance, ses sombres pronostics, son caractère un poil rigide. Inébranlable dans ses choix, la dur à cuire part donc en stage de quinze jours chez les dragons parachutistes mais l’attentionné Arnaud s’aventure à la suivre comme le poisson nettoyeur se lie au requin.

    Toute colorée d’une ironie bien calibrée, la vie de caserne propose une autre version de l’utopie du surhomme, lit moelleux pour les participantes, flamby comme désert, et la diplômée questionnant le sens du devoir s’éloigne de l’esprit de corps mis en exergue par L’armée. L’activité maquillage de nuit qui oblige à caresser chaque partie du visage de l’autre offre aux deux protagonistes, une séquence intimiste de nature à ébranler les esprits. Ainsi, les certitudes de l’une vacillent, la confiance en soi de l’autre s’affermit et au jeux hérités du scoutisme, Arnaud se révèle supérieur à sa rivale, aussi, pour achever de la convaincre, il abandonne la course d’orientation des militaires  pour une opération de survie improvisée en pleine nature, la forêt aquitaine offrant son cadre idyllique à l’éclosion du lien amoureux. Mais l’apparente sérénité de la sylve dissimule aussi de bien réels dangers dont on n’échappe pas sans alliés, le facteur chance, un partenariat à toute épreuve.

    les combattants

    Thomas Cailley stratifie avec élégance une romance qui ne dit pas son nom, car les étapes du déroulé amoureux reposent sur le hasard des effets de choc entre deux tempéraments parfaitement opposés, mis au défi d’épreuves concrètes imprévisibles. Chaque palier où s’installe  une relative complicité est souligné d’une parenthèse enchantée musicalement. Entre les comédiens principaux et secondaires civils ou militaires, une parfaite osmose assure l’unité du récit.  Les combattants forment une matière innovante en combinant avec fluidité des styles diversifiés  une chronique familiale, une intrigue sentimentale, un récit d’initiation à l’armée de terre, un scénario de catastrophe. Obstinément ou tranquillement, Adèle et Arnaud s’affranchissent des postures assignées, prêtes à porter, pour trouver un point d’équilibre au sortir d’une expérience vitale. Chère au réalisateur, la nature à la fois dépouillée et grandiose parvient à mettre à nu la vérité des individualités au sein d’un couple inattendu et attachant.

     


     

     

     

     

     


  2. Pas son genre

    juin 3, 2014 by Jacques

    Réalisé par Lucas Belvaux

    Avec Emilie Dequenne, Loïc Corbery, Sandra Nkake…

    Le sentiment amoureux partagé peut-il, de sa seule force triompher des différences sociales pour engendrer une union durable? En unissant un grand bourgeois à sa femme de ménage espagnole, le film de Philippe Le Guay,  les femmes du 6ème étage (https://www.cine-fil.com/les-femmes-du-6eme-etage/) tranchait en faveur de la fable et de l’utopie souriante. Sur un mode plus nuancé et plus grave, pas son genre de Lucas Belvaux approfondit le sujet en suivant pas à pas l’élaboration d’un tandem amoureux singulier des contraires par  la naissance,  l’éducation et le bagage culturel.

    Domicilié au cœur même du très huppé Saint-Germain-des-Près, prenant son café matinal aux deux magots dans le plus pure tradition littéraire, prisant les soirées à l’opéra, les vernissages ou les rendez vous chez son éditeur, Clément (Loïc Corbery) jeune professeur de philosophie reçoit comme une punition son affectation pour un an dans un Lycée d’Arras si loin de Paris, sa culture, sa créativité et la source principale de son élan vital. 

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    Mais il parvient à tromper l’ennui durant les trois journées hebdomadaires d’exil forcé dans la capitale si magnifique du Pas de Calais, grâce à Jennifer (Emilie Dequenne), coiffeuse au dynamisme professionnel,  particulièrement séduisante,  invitée un soir au café puis au cinéma. Dotée d’un esprit vif, elle est, en habits colorés, loquace, positive, fière d’une profession qui tisse des liens et peut redonner confiance en changeant un visage, fan d’une actrice américaine de télévision, et d’Anna Gavalda, elle pratique en discothèque, un numéro de karaoké brillant et apprécié avec deux copines en robes paillettes. Passionné des grands auteurs, il se distingue en n’ayant  pas de télévision, revendique l’irréductibilité de la pensée par la philosophie, lit Dostoïevski en buvant son thé, publie chez Grasset des ouvrages à succès sur l’Éros.  Il la trouve belle, elle se revendique jolie, il lui trouve des raisonnements kantiens et lui offre « critique de la raison pure », elle l’invite en boîte de nuit pour se défouler, une pratique étrangère à son mode de vie. Au premier temps de cette idylle, chacun partage heureux,  le territoire de l’autre et l’art même prend sa place dans le couple,  la lecture à voix haute de textes majeurs signés Proust, Zola ou Giono parachevant l’élan de la séduction.

    Le métier qualifiant socialement, ce compagnonnage amoureux a t-il vocation à perdurer dans le seul espace temps provincial? Pour tenter de répondre, le regard du cinéaste se fait plus précis, scrutant les intentions de chacun à travers les comportements. Jennifer mère d’un bambin aimé, veut poser les jalons d’une liaison durable profonde, mais Clément esquive la demande de prise en charge avec un art consommé de la dialectique: « tu m’emmèneras à Paris? »… « tu n’y es jamais allé? » Face aux questions cruciales, ses silences nombreux  sont aussi éloquents: en promenade touristique sur la grand place en plein carnaval, deux couples se croisent, Hélène prof de philosophie présente son mari architecte à son collègue qui lui reste coi aux côtés de son amie. Accepter de nommer l’autre,  le qualifier par rapport à soi, c’est l’assumer. Or Clément ne croit pas au couple qui serait l’ennemi de sa propre liberté. On peine à imaginer alors, la rencontre entre l’adorable coiffeuse et les parents grands bourgeois de Clément qu’elle appelle chaton, un sobriquet bien choisi mais qui ferait tâche dans les salons parisiens.

    pas son genre chanson

    Car l’homme, charmant, demeure au fond toujours insaisissable. Attaché à sa bulle dorée, il n’a à ce jour découvert le monde qu’à travers les livres, sans prendre de risques. La spéculation intellectuelle est une forme narcissique d’auto-protection: A un élève pressé qui regarde sa montre, le professeur développe une impressionnante diatribe sur le décompte du temps qui rapproche de la mort pour s’entendre rappelé à la prosaïque réalité: une montre ça donne l’heure! Jennifer vit au rythme du temps court de l’action capable de trancher une relation bancale, Clément, à celui long des intellectuels en recul permanent vis à vis de leurs émotions, frôlant parfois l’indécision. Tout l’enjeu du film est de savoir si l’amant parviendra à s’affranchir du conditionnement de son milieu familial et culturel.  « Ce qui compte, n’est pas ce qu’on a fait de nous mais ce que nous faisons de ce qu’on a fait de nous » écrivait Jan Paul Sartre dans l’être et le néant.  Est-ce dans le but de se faire pardonner de ses manques que le philosophe secoué par les injonctions de la jeune femme lassée des postures dilatoires, guette un soir sa sortie du salon de coiffure, un bouquet de roses à la main!

    Le jeu brillant des deux comédiens forme l’atout maître de cette intrigue sentimentale subtile et complexe. Loïc Corbery personnifie un élégant bourreau des cœurs drapé d’une aura philosophique identitaire dont il peine à sortir. Emilie Dequenne incarne une soif de vivre sincère et décomplexée que le jeu amoureux de plus privilégié qu’elle ne parvient pas à duper et qui en tire les leçons.  Au cours de trois séquences à peine codées, le réalisateur prend plaisir à filmer intensément Jennifer interprétant « you can’t hurry love », « caresse moi » et « I will survive »: un récital d’un enchantement divin!


  3. Cherchez Hortense

    septembre 22, 2012 by Jacques

    Réalisé par
    Pascal Bonitzer
    Avec
    Jean-Pierre Bacri, Kristin Scott Thomas, Isabelle Carré, Claude Rich…

    La vie familiale de Damien (Jean Pierre Bacri) semblait aussi huilée que son séminaire d’initiation à la mentalité chinoise, une routine pour cadres commerciaux conquérants, jusqu’au grain de sable, la promesse à un couple d’amis, d’aider Zorica une jeune Serbe (Isabelle Carré) plongeuse de restaurant, menacée d’expulsion depuis son divorce. Une intervention du père de Damien, Sébastien Hauer (Claude Rich) Président de chambre au Conseil d’État suffirait à éteindre l’action publique, mais le Haut Magistrat demeure inabordable et le fils, tenu à distance par l’agenda et les lambris dorés du Palais Royal.

    Les atermoiements de Damien qui échoue à tenir son engagement, le déconsidère un peu plus aux yeux d’Iva son épouse (Kristin Scott Thomas), metteuse en scène de théâtre toujours séduisante mais frustrée de ne plus se sentir regardée et admirée par un mari enfermé dans sa bulle ritualisée, son doux train-train, flanqué en soirée de ses vieux potes, amateurs de causeries et d’échecs. Victime de son propre narcissisme, la belle Iva s’ invente alors des passions aux forts relents théâtraux, dans les bras de ses jeunes acteurs.

    Quand la couche, cet ultime rempart conjugal est désertée, la fausse harmonie de ce couple usé se lézarde brutalement, comme un ciel d’orage, sous le regard lucide, désabusé puis révolté de Noé, le fils unique au prénom prédestiné, livré à lui-même dans la tempête familiale.

    Apparente comédie parsemée de bons mots et de situations drôles, «Cherchez Hortense» dresse en fait le portrait d’une bourgeoisie parisienne confondante de médiocrité, préoccupée uniquement d’hédonisme. Le Président Hauer et le Directeur de l’Office d’immigration, Henri Hortense, figurent deux sexagénaires lubriques, dont les hautes fonctions administratives autorisent toutes les jouissances, les meilleures tables de restaurants, ses desserts de glace au thé vert, ses éphèbes serviles toujours disposés hors service, à d’autres raffinements. La bisexualité en haut lieu est un signe de distinction. De telles pratiques escamotent tout ce qui fait lien, la famille, lieu de transmission. Damien et son père l’un comme victime et l’autre comme responsable sont les deux faces d’un même échec, à l’image de ceux consignés dans les traités du Docteur Freud.

    Pascal Bonitzer dépeint en vérité, une société malade de son narcissisme et de son individualisme, au goût amer. Il révèle, des services au sommet de l’État dévoyés, incapables d’accomplir l’idéal pour lequel ils étaient conçus. Sous les ors de la République, un cas d’expulsion dramatique y est tenu par le mépris. Les familles bourgeoises se désarticulent, entraînant un questionnement identitaire valétudinaire. Bonitzer résout l’équation en cherchant pour le héros de cette histoire, un point d’appui, du côté négligé jusque là, celui du cœur.


  4. La part des anges

    juillet 27, 2012 by Jacques

    Réalisateur: Ken Loach
    Avec Paul Brannigan, John Henshaw, William Ruane, Gary Maitland, Jasmin Riggins, Roger Allam, Siobhan Reilly…

    Au tribunal correctionnel de Glasgow, c’est le défilé ordinaire des délinquants surpris en flagrant délit, qui titubant sur une voie ferrée en activité, qui urinant sur la statue de Wellington, qui ayant volé un oiseau au super-marché ou qui, s’étant rebellé sur agent de la force publique. Chacun est condamné à des travaux d’intérêts généraux, le jeune récalcitrant en état de récidive pour acte de violence sur autrui, qui va être père, bénéficiant de la même clémence. Ce quarteron de chômeurs improbable s’essaie alors au bricolage, ici repeindre un foyer, là, nettoyer de ses tags un cimetière sous la houlette de Henri, un éducateur bienveillant, amoureux du bon whisky et qui offre à sa petite colonie pénitentiaire la visite récréative d’une distillerie avec séance de dégustation.

    A Glasgow, dans les quartiers déshérités, on se bat à coups de poings de père en fils sans possibilité de rompre la chaîne de l’enfermement, à moins d’un portier, éducateur.

    Henri introduit ses protégés dans l’univers particulier des caves où s’apprend l’art de la dégustation et le respect des millésimes, où le quidam côtoie le riche collectionneur et où un amateur peut se révéler capable de définir, au goût, les justes sensations. Robbie, le délinquant du groupe manifeste une véritable aptitude sensorielle, s’attirant l’attention d’un professionnel averti. Des lectures vont lui permettre d’améliorer ses bases.

    Au nord du pays, un fût de Malt Mill, un produit rare et mythique va être mis aux enchères dans un antique château où nos compères ont l’idée de se rendre, revêtus du kilt ancestral, symbole de traditionalisme, pour donner le change et voler quelques bouteilles de cet inestimable crû.

    La part des anges, cet alcool qui se volatilise des chais, sans enrichir les plus démunis qui le produisent, s’inscrit dans le sillon narratif des films de Ken Loach, peintre fidèle et minutieux de la classe ouvrière victime de l’hérédité des situations. Mais un ton nouveau, une allégresse apparaît avec la mise en scène des thèses résurgentes du saxon voisin, Robin des bois, presque une apologie. La redistribution d’ une part du butin est une absolue nécessité. Cette utopie est-elle accessible par d’autres voies que la fantaisie?


  5. Le Havre

    janvier 3, 2012 by Jacques

    Réalisé par

    Aki Kaurismäki
    Avec
    André Wilms, Kati Outinen, Jean-Pierre Darroussin

    Pour rester proche du peuple et fidèle aux préceptes du sermon sur le montagne, Marcel Marx, qui sait enjoliver le réel à l’aide de doctes sentences gagne encore son pain, la soixantaine passée en cirant chaque jour les chaussures des passants dans les rues du Havre, arborant le flegme de ceux qui eurent leur content de gloire ou de reconnaissance dans un lointain passé d’écrivain saltimbanque. Ce vécu a façonné un personnage jamais atteint par les avanies du temps présent, comme la mesquinerie du gérant d’un grand magasin qui le chasse de sa devanture, mais cet interdit est inopérant et il sera bravé plus tard, avec cette obstination propre aux petits métiers qui, depuis Charlot, ont appris à s’adapter aux contraintes de la rue. Marcel a rencontré et épousé sa muse, Arletty, destinatrice le soir, des euros gagnés, gardienne attentive des économies destinées au portefeuille des honnêtes gens, la boite en fer blanc du buffet, et il a trouvé dans le quartier des dockers, une petite maison comme point d’ancrage avec un bistrot proche pour s’offrir l’apéro du dîner et retrouver la fraternité de ses semblables.

    Tandis que sur les docks, un conteneur abritant des Maliens de tous âges est repéré par un vigile puis encerclé par un escadron de gendarmerie, un enfant parvient à s’échapper et à se cacher de la police dans les appontements du quai. Désormais, c’est un chien perdu sans collier que Marcel apprivoise alors, en lui apportant discrètement quelque nourriture et héberge, quand sa femme malade est hospitalisée. Dès lors, le cireur de chaussures va exercer son altruisme naturel , visites quotidiennes à l’épouse et bouquets de fleurs maladroitement justifiés: «je les ai eu à bas prix….euh, au contraire, elles ont coûté cher» et recherche active en parentalité pour l’enfant noir tombé du ciel. Avec son vieux costume pour tout viatique et la bonne foi du charbonnier, Marx écume les camps de migrants de Calais et Dunkerque et découvre que la mère est réfugiée à Londres. La ténacité récompense le miséricordieux. Suffira t-elle à faire passer clandestinement le gamin en Angleterre, au prix d’une somme astronomique, quand pressé par le Préfet de mettre la main sur le fugitif, l’inspecteur Monet à l’affût dans un quartier où il a ses aises, est renseigné par un voisin mal intentionné?

    Fable humaniste, le Havre raconte la mobilisation d’une poignée de voisins solidaires – nouveaux justes- pour cacher et conduire à bon port un enfant noir sans papiers échoué là, par hasard. Mais son réalisateur finlandais Aki Kaurismäki évite soigneusement d’appuyer sur le trait de l’engagement militant, préférant suggérer ici ou là, un déploiement démesuré des forces de l’ordre, la manipulation de l’opinion (« les clandestins: des liens avec Al Quaïda », titre Paris Normandie) et laisse au spectateur vigilant le soin de s’étonner de la mobilisation inverse de l’appareil de l’État, Préfet en tête, pour stopper la cavale d’un gamin. A la manière du Marseillais Robert Guediguian développant un scénario politique ou sentimental dans le creuset d’un microcosme, Kaurismäki construit une réalité mythique à l’ambiance délicieusement surannée plus proche de l’imagerie des romans de Simenon, du cinéma des années 50 auxquels s’apparentent les principaux lieux de vie imprégnés d’austérité, le foyer des Marx, le bistrot, la boutique ou la chambre d’hôpital. Les personnages forment une typologie sublime, Jean Pierre Léaud en mouchard aigri, Arletty tenant debout par miracle avec sa robe de lumière et son mari qui avance sans se poser de questions dans un jeu de chassé croisé avec un flic fouineur et ambiguë, partagé dans son identité professionnelle. Des tableaux ciné-géniques comme ce cerisier en fleurs aperçu dans « la colline aux adieux » ou les lumineuses retrouvailles des époux fâchés, Mimie et little Bob dont la résurrection sur scène est un des joyaux du film, rendent hommage à la tradition attachante du cinéma romantique. Le Havre, c’est la soupe populaire d’un réveillon fraternel dont les plus modestes sont les héros: http://www.youtube.com/watch?v=88-GIdGS2-I


  6. Intouchables

    novembre 18, 2011 by admin

    réalisé par Eric Toledano et Olivier Nakache
    Avec François Cluzet, Omar Sy, Anne Le Ny

    Français – Genre Comédie – 1h52

    Richissime héritier mais veuf inconsolable, Philippe (François Cluzet), la cinquantaine,  ne circule plus qu’en fauteuil guidé depuis qu’un accident de parapente l’a rendu tétraplégique. L’art est devenu son seul refuge, mais c’est un être emmuré qui s’offre des tableaux abstraits coûteux, des concerts de Berlioz à domicile, et entretient une correspondance platonique avec une inconnue. Le handicap n’explique pas seul cet enfermement, la négligence aveugle pour sa propre fille, les accès de terreurs nocturnes où le rejet chronique des assistants de vie après quinze jours seulement de partage d’une intimité forcée. Aigri jusqu’à l’os, Philippe s’est enfermé dans une prison mentale conforté par un entourage lénifiant et aseptisé. Le déclic survient lors de sa rencontre avec Driss (Omar Sy) venu de sa barre de banlieue, faire antichambre dans le riche hôtel particulier pour décrocher non pas un job illusoire mais une attestation de recherche d’emploi nécessaire au rétablissement des indemnités de chômage. Or, dans la morne file des candidats au poste d’homme de compagnie, Driss tranche si fortement par sa décontraction vestimentaire et verbale, son sens de la vanne, son naturel désinhibé face au handicap, que le voilà bientôt recruté à l’essai.

    Intouchables narre la rencontre de deux archétypes l’un grand noir et l’autre blanc mince, issus de la banlieue ou de la bourgeoisie, incarnant chacun une forme de handicap social. Il appuie sur des ressorts comiques éprouvés depuis «bienvenue chez les ch’tis» (le choc des origines), ou «les visiteurs» (le choc des lieux luxueux, une salle de bains et sa profusion de crème). Avec sa verve naturelle et son rire communicatif, Driss dynamite un à un les rituels compassés auxquels il assiste, à l’opéra, au concert où il substitue ses propres normes musicales, à la galerie de peinture où il parvient, dans une supercherie de conte de fée, à écouler une toile de son cru pour 11000 €. L’humour au second degré affleure quand l’impétrant détourne certains stéréotypes, comme la confusion simulée entre Berlioz le musicien et le nom d’un quartier de la banlieue parisienne. Décomplexé dans sa manière de conduire sur le périphérique en se jouant de la police de la route, ou de draguer sans vergogne l’autre sexe objet de toutes les gauloiseries verbales, Driss transmet à Philippe l’énergie vitale qui lui manquait pour surmonter les psychoses et l’isolement du patient. Tandem improbable pourtant inspiré d’une histoire vraie.

    Un film tout public pour son humour branché, qui édulcore la réalité trop crue, glisse un voile pudique sur la sexualité des handicapés ou sur l’activité des caïds à l’ombre des tours et des barres et parvient grâce au duo performant des acteurs à donner corps à l’idée que les contraires peuvent se rejoindre. Mais un consensus dans une salle ne fait pas vérité au dehors… Intouchables n’a pas vocation à tenir lieu de manifeste en faveur de l’intégration des exclus et Omar Sy, célèbre à la télévision, n’est pas le porte drapeau des minorités visibles; Eric Tolédano et Olivier Nakache ne s’aventurent pas sur le terrain économique et politique, c’est l’affaire du bulletin de vote.


  7. The Artist

    octobre 24, 2011 by admin

    Réalisé par Michel Hazanavicius

    avec Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman

    Français  –  Romance , Drame , Comédie

    1h40  –  produit en  2011

    Célébrité du cinéma muet, accumulant les rôles triomphants d’aventurier et de séducteur, Georges Valentin (Jean Dujardin) bousculé au cours d’une première projection, tombe sous le charme d’une jeune beauté malicieuse, Peppy Miller (Bérénice Béjo), propulsée aussitôt en plein rêve hollywoodien comme partenaire de plateau de la star. Mais en 1929, c’est la grande crise, et l’avènement du parlant permet aux studios de se remettre à flot, en pariant sur l’essor et la réussite de cette mue technologique qui synchronise son et image, mobilisant autrement la fascination du spectateur. Nombre de comédiens experts en pantomime, de Buster Keaton à Douglas Fairbanks disparaissent des écrans, au profit d’une nouvelle génération, identifiée à l’oralité. C’est dans ce contexte que la sémillante Peppy Miller accède au firmament, alors même que meurt l’étoile Georges Valentin. Survivre n’est pas affaire de talent ni de force mais d’adaptation à l’évolution. Or l’identité orgueilleuse de Georges, fondée sur l’expressivité du corps et du mouvement, refuse dans un repli ombrageux, de se remettre en cause.

    A contre courant de la nouvelle vague des images de synthèse projetées en 3 D, Michel Hazanavicius ressuscite au culot, un genre disparu, le film muet. Sonorisé musicalement, il active notre imaginaire jusqu’aux inter-titres et réveille dans la tradition de Charlot, l’arsenal intime du spectateur. Peppy Miller et son Pygmalion déchu font vibrer nos cordes sensibles en dévoilant dans l’adversité sociale, la suprématie de la main tendue.

    Incarner à la télé l’époque et s’en extraire; Sans forfanterie, Dujardin renoue avec une histoire cinématographique porteuse d’émotions intemporelles! Un travail d’artisan accompli en toute modestie, légitimement récompensé d’une palme d’or au festival de Cannes !


  8. Le cochon de Gaza

    octobre 16, 2011 by admin

    Réalisé par Sylvain Estibal

    Avec Sasson Gabai, Baya Belal, Myriam Tekaïa

    Français , belge , allemand – Comédie

    1h39 – produit en 2011

     

    Pour les Palestiniens de Gaza, le droit de vivre des fruits du sol, en liberté, s’est raréfié à mesure que s’ étendent les colonies israéliennes. Le toit des plus hauts immeubles, aux parois trouées par les obus, sont occupés jour et nuit par la surveillance militaire. Outre le saccage des oliveraies, les zones de pêche aussi vitales, se sont restreintes comme peau de chagrin. Dans cette économie de survie et de résignation, tout ce que Jafaar remonte dans ses filets, a le prix de la rareté, un godillot à sa pointure, trois sardines et même… un cochon vivant! Que faire d’un animal impur, que les religions de tous poils honnissent? Exploiter clandestinement ce don miraculeux de la mer! Jafaar récolte précieusement la semence du porc, écoulée dans un élevage de la colonie juive, moyennant finance. Un commerce sous le manteau, fragile trait d’union entre la fermière israélienne et le pêcheur palestinien, à rebours des dogmatismes.

    Cinéaste Français, Sylvain Estival préfère la fable humoristique au pamphlet  militant pour exprimer l’absurdité des antagonismes, en Palestine et raconter avec drôlerie, les tribulations d’un pêcheur modeste mais rusé, acculé à tromper les policiers et à fuir un endoctrinement meurtrier, pour préserver son lucratif trafic et acheter au bazar, robe et parfum qui ensoleilleront le morne quotidien de son épouse. Séquence touchante d’un couple défait par la vie qui se retrouve!

    Avec l’expressivité tragi-comique d’un Zavatta, Sasson Gabaï, le pêcheur, incarne l’ambivalence des situations vécues là-bas et emporte l’adhésion, y compris dans son rêve partagé de concorde universelle.


  9. Tous les soleils

    avril 2, 2011 by admin

    De Philippe Claudel
    Avec Stefano Accorsi, Clotilde Courau, Neri Marcoré
    Français – Comédie

    A l’image de son solex, à la peine dans les rues colorées et charmantes de Strasbourg, la vie d’Alessandro (Stefano Accorsi) aussi riche d’activités soit-elle, patine à force de répétitions. Car ce professeur de musique baroque passionné et correcteur plein d’indulgence pour ses élèves, visiteur de malade généreux, transmettant son amour des mots et des livres, membre fidèle d’une chorale et des parties de campagne entre copains, ce séduisant latin à peine quadragénaire, foisonne effectivement de gentillesse dans la vie sociale et d’énergie dans sa vie familiale tout en inspirant le sentiment d’une plénitude trompeuse..

    Veuf depuis une quinzaine d’années, il couvre d’une attention enveloppante aussi bien sa fille Irina (Lisa Ciporiani) que son frère aîné Cramponne (Néri Marcoré) rappelé à ses devoirs sans grands succès d’ailleurs et réprimandé pour sa nonchalance de poète brouillon, de peintre anarchiste,   de  cuisinier espiègle en robe de chambre, pourfendeur du grand capital et de Berlusconi par dessus tout.  Mais le combat d’Alessandro pour imposer ses normes au huis clos des comportements familiaux  se révèle de plus en plus  attentatoire au libre arbitre de chacun, et l’adolescente qui étouffe, empêchée de vivre ses émotions, se révolte. Et si cette omniprésence du père dans la vie de ses proches, si sa boulimie de rencontres  platoniques, de rendez-vous amicaux occultaient pour mieux l’entretenir, une solitude affective profonde, jamais résolue depuis le décès accidentel de l’épouse, une tristesse jamais éteinte?

    Aussi célébré soit-il, l’instinct grégaire d’Alessandro ne fera jamais disparaître le fantôme de son amour perdu, véritable frein au redéploiement de sa vie sentimentale.  Irina et son oncle vont donc s’employer à dénicher l’âme sœur, seule antidote à la panne récurrente des sentiments amoureux.

    tous les soleils

    Hommage aux comédies italiennes, «Tous les soleils» déborde d’ironie et de vitalité pour mieux souligner la nostalgie du temps qui passe. Il évoque ainsi la difficulté de ceux qui se sont emmurés à force de silences comme Agathe (Anouck Aimée), ou le besoin de se rapprocher les uns des autres,  à la chapelle, lieu de révélation des émotions pures. Sur les quais de la ville,  Agathe (Clotilde Courau) promène sa douleur orpheline et sa fragilité  lumineuse. Écrivain remarquable ( le bruit des trousseaux, le café de l’Excelsior, le Rapport de Brodeck, les âmes grises, la petite fille de M Linh sont des chefs d’œuvres), Philippe Claudel accorde aux livres – la Princesse de Clèves est montrée en référence- une place centrale dans de nombreuses scènes et tapisse les décors familiers des portraits de ses maîtres, Rimbaud ou Kafka… Dans un cadre provincial plein d’attraits, ces personnages que nous aimons, au fond nous sont proches .


  10. Les femmes du 6ème étage

    mars 29, 2011 by admin

    Du maître ou de l’esclave, l’homme le plus libre n’est pas celui qu’on croit, a démontré Hegel, dans sa fameuse dialectique: l’esclave ,(comprenez le domestique) maitrise bien des savoirs-faire et en cela, il est un homme libre. Le maître lui est sous la dépendance du travail d’autrui car il ne fait rien par lui-même; il est donc esclave. «Les femmes du 6ème étage» illustrent-elles  cette parabole ?

    Un couple de bourgeois Parisiens, Jean Louis (Fabrice Luchini)  et Suzanne (Sandrine Kiberlain) perd sa bonne, repartie en Bretagne et recrute Maria (Natalia Verbecke) une espagnole pour domestique, au sein de la petite communauté ibérique, logée dans les combles d’un quartier d’immeubles haussmanniens. Une communauté soudée  par la même appartenance, les blessures du franquisme, le sens du métier, et qui déborde de joie de vivre…

    Ouvrir une simple porte qu’on tenait par habitude fermée, suffit parfois à découvrir l’altérité, condition de l’attachement. Peu à peu, Jean Louis, prend fait et cause pour cette humanité débordante au grand dam de sa concierge, une caricature  prompte à manier la discrimination: «l’ascenseur, c’est pas pour vous!» L’intérêt de la démarche est évident, en choisissant de faire fi des étiquettes professionnelles, de partager les joies simples des gens de peu, Jean Louis va se reconstruire et faire renaitre en lui des désirs d’adolescents enfouis; au risque de se détacher de son milieu mondain et surfait, au risque de rompre un mariage stéréotypé, au risque de la transgression?

    Outre le portrait savoureux sinon satirique des salons mondains bourgeois, Philippe Le Guay excelle à dépeindre l’itinéraire singulier d’un cœur tendre vaincu par la grâce !  On est touché et ravi qu’un marchand du temple tourne le dos à une vie aliénante et au veau d’or,  pour le sourire d’une belle lavandière!